Air2030 – Avions de combat : non, la population ne signe pas un chèque en blanc
Au nombre des salades de campagne servies par les opposants à l’acquisition de nouveau avions de combat – « achat luxueux », « absence flagrante de sens des priorités », « gaspillage de l’argent du contribuable », « cet argent sera mieux utilisé ailleurs », « des avions de combat légers sont amplement suffisants », « les avions de combat comme le F/A-18 ont besoin de chauffer durant quinze minutes avant de pouvoir décoller », « un avion traverse la Suisse en deux minutes ». etc – figure le « chèque en blanc » que signerait la population au Conseil fédéral et à l’armée, dès lors qu’elle ne se prononce ni sur un type d’avion ni sur un nombre.
Dans son article « La vraie bataille du ciel commencera après le 27 septembre » Eric Felley rappelle à juste titre dans Le Matin de ce 17 septembre 2020 qu’il n’en est rien : « En votant oui le 27 septembre, le peuple ne donne donc pas un «blanc-seing» au Conseil fédéral comme il se dit souvent. À la fin du processus, ce seront les Chambres fédérales qui devront avaliser son choix. » Selon lui, peu de parlementaires à Berne auraient fait attention à l’article 2 alinéa 2 de l’arrêté fédéral – « L’acquisition est proposée à l’Assemblée fédérale dans le cadre d’un programme d’armement. » – qui leur renvoie la responsabilité de confirmer in fine le choix du modèle. Eric Felley insinue-t-il ici que nos parlementaires ne liraient pas les textes qui leurs sont soumis ? ou tente-t-il ainsi de dédouanner les représentants de la gauche des salades savamment concoctées pour les besoins de leur campagne contre l’achat de nouveaux avions de combat ?
Peu importe finalement. Le fait est qu’en cas de oui aux nouveaux avions de combat le 27 septembre, comme au rugby, les partisans de l’achat n’auront que marqué un essai. Encore faudra-t-il que le Parlement transforme cet essai, en l’occurrence qu’il accepte le programme d’armement qui lui sera soumis. La population ne vote que sur un principe : celui de disposer d’une défense aérienne crédible au-delà de 2030, ou non. Mais ce sont bien les Chambres fédérales qui entérineront ce vote, confirmeront cette volonté. Ce sont elles qui décideront si la Suisse doit demeurer un partenaire crédible au coeur de l’espace de sécurité que constitue pour elle le continent européen, ou non. Ce sont elles qui permettront à la Suisse, et à ses voisins par voie de conséquences, d’être en mesure de pouvoir faire face à une éventuelle surprise stratégique générée par les méta-crises résultant de la pandémie et du changement climatique en cours, ou non.
La « bataille du ciel » ne commencera effectivement qu’après le 27 septembre. Et c’est bien la gauche qui jouera le rôle d’arbitre des débats sur la quatrième dimension de l’avion, celle politique ou géopolitique : européen ou pas européen ? étasunien ou pas étatsunien ? Le processus d’évaluation technique des quatre avions en compétition est robuste : le retrait du Gripen – non prêt pour l’évaluation, qui ne l’est toujours pas, et le restera encore un moment – nous l’a confirmé, entre autres. Reste à savoir si les Chambres fédérales seront suffisamment robustes pour résister aux actions de lobbyisme qui ne manqueront pas de s’abattre sur elles, sitôt un oui aux avions de combat sorti des urnes le 27 septembre.