Police aérienne – Un vol d’entraînement qui se termine en “Live Mission” !

Par le colonel EMG Pierre de Goumoëns
Chef de l’Autorité de l’aviation militaire (MAA) de l’Armée suisse

08h30, BA Meiringen : je décolle avec un F/A-18 monoplace pour une mission de formation continue au combat aérien d’un jeune pilote.

Notre combat d’entrainement deux contre deux terminé, je me dirige sur Sion, comme prévu dans l’ordre de mission, pour y effectuer une approche aux instruments et un touch & go nécessaires au maintien du niveau de qualification d’un contrôleur aérien.

09h10, Aéroport de Sion : toucher des roues, remise des gaz — je n’ai pas le temps de m’apercevoir que « psyko photography » me mitraille avec son téléobjectif.

09h11 : alors dans la région du col du Rawyl, à environ 2’500 mètres d’altitude, engagé dans un virage à droite pour prendre mon cap de retour sur Meiringen, la tour de contrôle de Sion me demande de contacter par radio la centrale d’engagement de Dübendorf. Étonnant, car je n’ai pas vraiment besoin d’aide pour regagner Meiringen en vol à vue : le ciel valaisan est splendide aujourd’hui. Je m’exécute et je reçois l’ordre suivant : « Live Mission ! Virez à l’ouest. Contact droit devant, 3 nautiques, 38’000 pieds ! (env. 5 km devant et 10’000 mètres au-dessus de moi) » – dans un monde idéal, la géométrie d’interception pour une mission de police aérienne commence avec une séparation de 50 kilomètres … Me voici parti pour un contrôle inopiné d’un aéronef en transit dans notre espace aérien — une « Live Mission ».

Aussitôt, je lève la tête et je le vois, ce point blanc, tout là-haut, traçant une fine ligne blanche dans le bleu du ciel. C’est l’avion que je doit intercepter.

Post combustion enclenchée, je cabre mon F/A-18, accroche le but avec mon radar et je fonce à 900 km/h vers mon objectif, avec un angle de montée de 60°.

Deux minutes plus tard, j’ai rejoint ma cible : un beau Falcon 900 tout blanc immatriculé en Italie. Après confirmation de l’identité de l’appareil au contrôleur et un salut de l’aile au pilote, je reprends le cap pour Meiringen.

Quels enseignements tirer de ce vol, pour la votation à venir ?
  1. Ce mardi 30 juin 2020 à 09h11, si j’avais été aux commandes d’un avion de combat léger – tel que proposé par les opposants à l’acquisition de nouveaux avions de combat, je n’aurais pas pu remplir la mission demandée ; sans les 100’000 cv de mon F/A-18 et sa vitesse ascensionnelle de 15’000 m/min., je n’aurais eu que les yeux pour pleurer ! 
  2. En pareille situation, les performances de l’avion – puissance et capacité d’accélération, vitesse ascensionnelle, radar de bord – sont déterminantes pour mener à bien la mission. Ce l’est d’autant plus dans un espace aérien aussi réduit que celui de la Suisse.
  3. Les « live missions » et les « hot missions » envoient rarement des cartons d’invitation  : il faut être capable en permanence d’effectuer un contrôle inopiné ou intervenir dans l’urgence.
  4. Quand on décolle pour une mission de police aérienne, on ne sait jamais sur quoi on va tomber et seul un avion de combat permet de répondre à toutes les éventualités !

Merci et bravo à « psyko photograpy » d’avoir été là au bon moment, avec le bon matériel, pour nous fournir ces belles images !


Police aérienne – Un vol d’entraînement qui se termine en “Live Mission” !