Air2030 – Une question de responsabilité de la Suisse à l’égard de ses voisins

Interpellé par un twitto belge sur la base d’une séquence vidéo virale mettant en scène une intervention du conseiller national Les Verts vaudois Daniel Brélaz, à la tribune du Conseil national, Joseph Henrotin, rédacteur en chef du magazine DSI (Défense & Sécurité Internationale), s’est fendu d’un thread sur son compte Twitter pour replacer en contexte pareille argumentation contre la nécessité pour la Suisse d’acquérir de nouveaux avions de combat, en vue de remplacer à partir de 2030 sa flotte de F/A18 Hornet qui auront atteint leur fin vie utile à cette date.

Interpellation

NDLA [Note de l’auteur] : Inutile de vérifier s’il s’agit d’un deepfake* : le grotesque de situation, la balourdise du propos et la mollesse de la réflexion – tenant plus de la caricature que du témoignage du véritable « bon sens bien vaudois » – sont certifiés d’origine.

Par « balourdise du propos » et « mollesse de la réflexion », nous entendons que certains élus nationaux devraient quand même se mettre à penser vis-à-vis du XXIe siècle, et pas s’évertuer à juste placarder sur les enjeux sécuritaires, géopolitiques et géostratégiques de demain pour le continent européen une vision héritée d’un autre temps.

* Le mot « Deepfake » est une contraction des termes « Deep Learning » et « Fake » pour désigner des enregistrements vidéo ou audio réalisé ou modifié grâce à l’intelligence artificielle pour rendre parfaitement crédible des contenus faux.

Remise en contexte par Joseph Henrotin

NDLA : pour en faciliter la lecture, nous reproduisons ci-après le fil de tweets publié par Joseph Henrotin sur Twitter. Les mises entre [parenthèses] pour expliciter les abréviations et raccourcis utilisés par Joseph Henrotin ainsi que les mises en gras sont de l’auteur du présent article.

Joseph Henrotin est rédacteur en chef du magazine DSI (Défense & Sécurité Internationale). Docteur en sciences Politiques (ULB, Bruxelles), il est par ailleurs chargé de recherches au CAPRI (Centre d’Analyse et de Prévision des Risques Internationaux), à l’ISC (Institut de Stratégie Comparée) et chercheur associé à l’IESD (Institut d’Etudes de Stratégie et de Défense).

[Tweet 1/8] En fait, c’est la confirmation du vieux dicton qui veut qu’on a toujours une armée chez soi : si ce n’est pas la sienne, c’est celle d’un autre. Ça vaut aussi pour l’espace aérien : il n’y a pas de substitut « intégral » à une souveraineté aérienne, que l'[espace aérien] soit petit ou grand.

[Tweet 2/8] C’est une question qui est d’abord de nature politique. L’affaire du 777 éthiopien est celle du coût politique du risque. Tout s’est bien passé en l’occurrence, juste une demande d’asile politique. Mais au moment où l’appareil ne répond plus, tout est est moins clair : attaque ?

[Tweet 3/8] Où l’on rejoint un autre aspect de l’intervention du député : il n’y a pas de déterminisme en histoire. Mais ne pas être armé, c’est aussi inviter. #dissuasion. Au-delà, le fait est que la question n’est pas l’avion mais la mission : les politiques suisses ont validé [une] doctrine

[Tweet 4/8] … où la mission première est la police du ciel. Sauf à changer la doctrine, il faut des moyens. Il faut y rajouter d’autres fonctions : supériorité aérienne, reconnaissance. La verticalité importe, les Suisses en sont des pros. Leurs quelques drones ne suffisent pas comme « yeux ».

[Tweet 5/8] Reste l’attaque. All in one : personne ne gagne [d’opérations de haute] intensité sans maîtrise aérienne – faut en parler à l’Ukraine. Alors, la menace justifie-t-elle l’achat ? D’une part, la neutralité a un coût, plus cher en moyenne que la participation à une alliance comme l’OTAN.

[Tweet 6/8] D’autre part, encore une fois, il n’y a pas de déterminisme en histoire : qui sait à quoi l’environnement européen ressemblera en 2030 ? Qui aurait prédit qu’une guerre européenne de haute intensité se serait produite, même après le mémorandum de Budapest ?

[Tweet 7/8] La Suisse est géographiquement petite ? Le fait est que l’espace aérien européen est intégré et que les appareils immatriculés chez elle y passent aussi : si le transit d’un liner fait 8′ [minutes], elle a de facto une responsabilité à l’égard de ses voisins.

[Tweet 8/8 ] Préfère-t-elle [la Suisse]participer à leurs frais sans bénéficier d’une vraie force aérienne ? Économiquement comme politiquement, je ne sais pas si ça tient… juste que le free riding n’a pas bonne presse.
Misère, je ne parviendrai jamais à faire un thread court… Bonne soirée !


Commentaire

La responsabilité de la Suisse à l’égard de ses voisins mise en exergue par Joseph Henrotin dans sont tweet 7/8, relève de la même responsabilité avancée par madame la conseillère fédérale Viola Amherd dans le cadre d’une interview publiée dans Le Temps, du 15 août 2020, responsabilité qui nous oblige à l’égard de nos voisins et de l’espace sécuritaire – le continent européen – dont la Suisse fait partie : « En tant que pays neutre au centre de l’Europe, nous avons la responsabilité de protéger notre espace aérien par nous-mêmes. On ne peut pas laisser nos voisins nous protéger. Ce n’est pas défendable, du point de vue de la neutralité comme de la solidarité. La Suisse ne peut pas être un trou noir au centre de l’Europe« . [Voir aussi notre commentaire sous notre article Air2030 – Pourquoi même la Suisse, pays neutre, a impérativement besoin de partenaires militaires]


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